"Ainsi ai-je grandi avec l'illusion, incarnée par mes deux grands-pères, que la médecine était un art, une recherche, une philosophie. Elle traitait, dans de lointaines et mystérieuses institutions, des cas d'exception et des syndromes si rares qu'on leur avait donné, ainsi qu'on baptise une nouvelle planète, les noms de mes aïeux."
Issu de longues dynasties médicales, Jérôme Garcin tente de comprendre pourquoi cette chaîne s'est brutalement interrompue après ses grands-pères, Raymond Garcin et Clément Launay, deux éminents médecins et humanistes qui ont marqué son enfance.
L'auteur profite d'un déménagement à Manhattan pour faire l'inventaire de ses livres, inspiré par le célèbre essai de Walter Benjamin Je déballe ma bibliothèque. Au cours des heures interminables passées entre poussière et cartons, il se rend compte que sa véritable entreprise est de faire face à son passé ainsi qu'à celui de ses parents, réchappés de la Shoah. La découverte inopinée de Teddy, son ours en peluche resté caché pendant quatre décennies, le bouleverse. Teddy se révèle être le gardien de l'enfance et enjoint à l'auteur d'écrire sa biographie. Les livres, les jouets et Teddy plongent petit à petit l'écrivain dans un chaos onirique qui est le temps du souvenir. Allen S. Weiss se déplace librement dans le labyrinthe de sa mémoire, entrelace citations et réflexions philosophiques, et nous offre un texte érudit, drôle et émouvant.
S'adressant à la fois aux amateurs et aux chercheurs, ce Cahier comporte des inédits de l'auteur et des textes rares, des études approfondies par des spécialistes, des articles critiques, des entretiens, des témoignages et une volumineuse correspondance. Il offre l'occasion de revenir sur les aspects marquants d'une oeuvre littéraire remarquablement cohérente mais aussi de révéler sa diversité en arpentant des territoires encore peu explorés.
"Moi, je vis comme un bohémien, je suis un fugitif. Il n'y a pas un lieu qui me semble habitable au-delà d'une certaine durée, pas même ma propre peau."
Petit-fils de pasteur, fils d'un représentant de commerce, Tennessee Williams (1911-1983) a embrasé son siècle. Tour à tour nomade en espadrilles et séducteur en costume de shantung, il était partout chez lui. À Key West, à La Nouvelle-Orléans, à New York, à Rome, Londres, Paris. Partout où il y avait du théâtre, des matelots et du désir, cet "antidote de la mort". Les meilleurs comédiens du moment ont été ses interprètes : Marlon Brando, Arletty, Anna Magnani, Liz Taylor. Les plus grands cinéastes - Kazan, Losey, Lumet - ont adapté ses pièces. Toute sa vie durant, Tennessee Williams n'a cessé de dialoguer avec les mythes. C'est cette vie qui nous est racontée ici, nourrie d'échecs, de triomphes, d'expériences douloureuses, avec tous ses excès, toute sa folie, et son immense "sentiment de solitude qui la suivait comme son ombre."
Né en Tunisie dans une modeste famille juive de langue maternelle arabe, formé dans les écoles de l'Alliance israélite universelle puis au lycée Carnot de Tunis, enfin à l'université d'Alger pendant la guerre et en Sorbonne à la Libération, Albert Memmi (1920-2020) se situe au carrefour de trois cultures et a construit une œuvre abondante d'essayiste, mais aussi de romancier, sur la difficulté pour un minoritaire né en pays colonisé de trouver son propre équilibre entre Orient et Occident. De l'âge de 16 ans à sa disparition, il a tenu un journal, où il a recueilli ses rêves et ses cauchemars, ses doutes et ses illuminations, ses espoirs et ses désillusions, ses joies et ses frustrations : une somme de réflexions au jour le jour qui éclairent d'une lumière crue un " siècle épouvantable " mais qui constituent aussi les fondations d'une œuvre universelle.
Qui est le jeune homme que nous suivrons pas à pas, de ses 16 ans à la quarantaine, dans ce premier volume du Journal ? Un minoritaire en pays dominé, né pauvre et honteux de ses origines, mais avide de culture et désireux d'en faire son destin ? Un enfant qui ne possède d'autre langue que " le pauvre patois du ghetto ", mais rêve de maîtriser celle de Rousseau et de Gide, d'égaler –; qui sait... –; son maître Jean Amrouche, ou même le monumental François Mauriac ? Cet adolescent pacifiste, un peu dandy, brutalement confronté à la guerre et à la nécessité de prendre parti, ou ce Juif acculturé qui fait peu à peu l'expérience de sa condition, découvre les ostracismes dont il est de tous bords entouré, et qui apprend à s'en défendre ?
Que cherche-t-il ? Vivre à Tunis, en se calfeutrant dans les " valeurs-refuge " et les traditions de sa communauté, ou s'enfuir à Paris pour se mesurer à la modernité occidentale ? Étudier la médecine, la philosophie ou les sciences humaines ? S'étourdir dans les divertissements ou affronter le monde et ses contradictions, au risque de s'y brûler ?
Quelles sont ses ambitions, enfin ? Lutter parmi les siens au sein de mouvements de jeunesse ou se tenir à distance de tout militantisme pour mieux analyser les situations ? Défendre ses convictions par la plume ou s'inventer un monde de fiction capable de transcender ses déchirures intimes ?
L'âge d'homme arrivé, ce jeune inconnu déchiré, devenu Albert Memmi, s'est clairement défini comme colonisé à travers le Portrait du colonisé et comme Juif par le Portrait d'un Juif. Pendant la guerre, il a fait l'expérience de la souffrance physique et de l'engagement ; plus tard, s'éloignant des siens sans les renier, il a appris –; sans jamais se compromettre –; à en découdre avec l'Occident et avec l'altérité. Par l'écriture de deux romans autobiographiques, il s'impose comme écrivain de langue française ; comme enseignant-chercheur en philosophie et sociologie, il collabore avec Aimé Patri, Daniel Lagache et Georges Gurvitch à l'élaboration d'une pensée humaniste aux prises avec les défis de " ce siècle de sciences, de progrès et d'effroyable bêtise ".
L'extraordinaire itinéraire individuel que révèle ce Journal 1936-1962 possède sa moralité. Il prouve avec une exemplarité éblouissante que rien n'est jamais joué d'avance, que tout se conquiert : en dépit de ses origines, au-delà de sa condition et malgré l'état cataclysmique du monde, le jeune homme parvient à percevoir, loin des " vérités absolues ", la promesse effective de tous les possibles, les hypothèses infinies que nous offre l'existence.
Le jour où elle apprend qu'un ami de son fils ne peut plus héberger un jeune migrant, Joëlle n'hésite pas. Ce soir-là, il est convenu par téléphone qu'Amara restera 10 jours. Elle a quelques instructions : lui préparer un bon petit déjeuner le matin avant de le laisser partir en maraude, quelques règles de cohabitation, et un avertissement : il ne faut pas interroger ces jeunes sur leur voyage.
De cet hébergement, qui durera finalement 9 mois, pendant lesquels Joëlle a appris à Amara à lire et écrire, ils ont tenu un journal. Un journal politique et poétique pour donner la voix à ceux qui vivent les migrations.
Nabokov, l'auteur de Lolita, a prétendu qu'il aurait pu être «un grand écrivain français». Les vicissitudes de l'histoire en ont décidé autrement. Le mirage de la Côte d'Azur est omniprésent tout au long de ce roman paru pour la première fois en France, où il fut censuré. Grand admirateur de Ronsard, Flaubert ou Verlaine, Nabokov était passionnément attaché à la langue française, plus douce à son oreille que sa langue maternelle, le russe, et que sa langue d'adoption, l'anglais. Le mot français «plaisir» lui semblait distiller un «supplément de vibrato spinal» par rapport à son équivalent anglais. Non seulement choisit-il de passer les dernières années de sa vie en Suisse, à Montreux, une ville francophone, mais, tel un phalène attiré par la lumière, il ne cessa jamais de revenir en France.
"Adrienne Monnier était comme un jardinier, et dans la serre de la rue de l'Odéon où s'épanouissaient, s'échangeaient, se dispersaient ou se formaient les idées en toute liberté, en toute hostilité, en toute promiscuité, en toute complexité, souriante, émue et véhémente, elle parlait de ce qu'elle aimait : la littérature."
Jacques Prévert évoquait ainsi la fondatrice de « La Maison des amis des livres ». Inaugurée en 1915 au 7, rue de l'Odéon, cette librairie devient très vite le rendez-vous du Tout-Paris littéraire. Louis Aragon, Walter Benjamin, André Gide, Nathalie Sarraute, André Breton s'y croisent lors de lectures, expositions ou soirées musicales. Foyer de la vie culturelle de l'entre-deux guerres, dont la renommée franchira les frontières françaises avec la traduction en 1929 de l'Ulysse de Joyce, édité par Adrienne Monnier, ce lieu mythique est indissociable de la personnalité qui l'habite et l'anime. Autoportrait d'une femme de passion et d'idées, subtile évocation de l'incroyable atmosphère d'émulation qu'elle sut créer autour d'elle, ce livre de référence est avant tout un hommage à la littérature.
Ce livre raconte quelques-unes de nos expériences de vie, en tant que « vieilles », et quelques attitudes devant la mort (GeorgesSand, Paul Lafargue). Comme tant d'autres, nous nous sommes soudain découvertes hors société, infantilisées. On parle de nous à notre place, on décide ce qui est censé être le mieux pour nous. On nous explique comment « rester jeune », ou comment « bien vieillir ».Les divers récits qui forment ce livre, parfois contradictoires, impressions de libertés nouvelles, vulnérabilités, petits ou grands arrangements... et dont l'humour n'est pas exclu, nous permettent de réintégrer les réalités de notre condition, comme une sorte de droit à l'existence, comme un besoin d'apprivoiser ces dernières étapes de vie. La mort, ultime étape, il est encore plus malséant d'en parler.La mort n'est ni triste ni gaie : elle EST.Nous nous sommes connues dans l'effervescence des révoltes féministes des années 70, nous clamions dans les rues : notre corp snous appartient. Nous n'avons pas changé d'avis : nous voulons pouvoir choisir le moment et les conditions de notre mort.
Le 31 décembre 1983 en région parisienne, aux premiers balbutiements du mouvement zulu, un groupe de jeunes se forme pour lutter contre les Skinheads : les Black Dragons. Du combat contre les extrémistes skins pour le contrôle des rues de la capitale, à l'inévitable guerre des gangs qui a enflammé une partie de la jeunesse francilienne, en passant par l'implantation de la culture hip-hop qui a bouleversé les mentalités, ce livre retrace l'évolution du mouvement et son influence sur les générations suivantes.
"Sarajevo était une belle ville, avec les minarets des mosquées qui brillaient au soleil, sur le fond vert des collines, avec les façades roses et bleues des demeures autrichiennes, les parcs et les promenades où passaient calèches et landaus, tandis que, dans l'Odéon, au milieu du parc des Juifs (on l'avait surnommé ainsi car c'était le lieu de rencontre des plus riches d'entre eux), un orchestre jouait des valses et des polkas. C'était au bord de la Miljacka, qu'enjambent des ponts de pierre construits par tous ceux qui ont dominé le pays. Clara pensait que lorsqu'elle serait une dame, elle ne porterait pas le shlafrok, la longue jupe de satin raide que les femmes juives portaient sur leurs jupons de batiste, et qui ne révélait rien de leur corps..." Les lumières de Sarajevo, un voyage plein de charme au coeur d'une communauté juive aujourd'hui disparue, mais que ces pages préserveront de l'oubli.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, René Debs a 14 ans. Il fera partie des quelque 130 000 incorporés de force à partir de février 1943 pour combattre aux côtés de l'ennemi. Ce qui frappe avant tout dans ce récit, c'est la capacité à se défendre coûte que coûte, à compter sur l'amitié de ses camarades, à crier son incompréhension devant tant de barbarie, tout en gardant la fraîcheur d'âme d'un jeune soldat malgré lui, qui partage ses émotions lors des rares moments de répit. Il sera l'un des rescapés de la terrible bataille de Budapest de décembre 1944, et fêtera ses 20 ans quatre mois après son retour de guerre.
Gilbert Pago nous retrace la résistance des femmes des campagnes martiniquaises dans les 22 années qui ont suivi l'épopée de 1848.
L'auteur relate cette dure page à travers le personnage de feu que fut Marie-Philomène Roptus, mieux connue sous l'appellation de Lumina Sophie dite Surprise, une des insurgées les plus actives de l'Insurrection de 1870 dans les campagnes du sud de la Martinique.
De Surprise, celle dont on a dit qu'elle fut la figure de proue de la révolte, l'image même de ces femmes représentant la flamme de l'insurrection, la biographie manquait !
Gilbert Pago lui rétablit son identité, fait découvrir son lieu de naissance, la campagne de son adolescence. Il nous fait connaître sa grand-mère, sa mère, son frère, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines, sa filleule, son concubin et son fils. Il nous décrit l'univers impitoyable que fut le bagne de Saint-Laurent-du-Maroni où elle passa les huit dernières années de sa vie avant de mourir à l'âge de 31 ans.
Il nous fait défiler l'histoire passionnante, douloureuse et tragique de Marie-Philomène Roptus dite Lumina Sophie dite Surprise, insurgée et bagnarde, femme-flamme du Sud en révolte.
À trois ans, je me savais un écrivain. Je l'étais avant de naître.
Des pages ardentes et vivaces de ce journal jaillit un véritable récit, celui d'années captivantes dans la vie de Viviane Forrester.
Rue de Rivoli vibre la ruche où travaillent, se révèrent, se combattent Viviane et le peintre John Forrester, si liés, seuls ensemble parmi les autres. Heures amoureuses, affres de la rupture.
Rue de Rivoli - ou comment se vit jour après jour la passion d'écrire, de faire tout parler, même les virgules. Comment se publie un premier livre. Comment résonnent des lectures et des lectures commentées avec une acuité surprenante. Comment tant d'enjeux émouvants, tant de voix, de silhouettes, tant d'autres destins viennent s'inscrire dans une seule destinée.
Ce que propose de montrer ce Cahier de L'Herne, c'est une image d'Isaac Bashevis Singer et de son oeuvre qui se situe très loin des stéréotypes habituels - l'aimable fabuliste de l'âme juive, le lutin talmudique échappé d'une toile de Chagall ou encore le conteur nostalgique ressuscitant inlassablement le folklore pittoresque d'un yiddishland enfoui.
«Et si je rencontrais Dieu parmi nous et n'avais qu'une seule question à lui poser? Je lui demanderais s'il prend soin de mon père. Peut-être que Papa est comme Lui, anonyme et voyageur dans le monde? Je l'imagine passager dans un bus, prisonnier d'une ville étrangère où des millions d'hommes le croisent sans lui parler. Il a peur, il ne connaît pas leur langue, nous lui manquons et il ignore comment rentrer chez nous.»
Au mois de mars 2010, après une semaine d'hospitalisation, Patrick Hoffmann décédait. Le récit de son fils commence alors qu'il vit ses derniers jours. Très vite, il ne reste que des souvenirs à évoquer. Mais, peu à peu, le portrait du père reprend ses droits, s'étoffe, et impose son évidence : il fut un homme généreux totalement dévoué pour sa famille.
À travers ce récit poignant, l'auteur aborde le thème du deuil du père, pris sous l'angle de la transmission, et fait de son cas individuel un témoignage qui interroge plus largement la relation qu'entretient chaque fils avec son père.
A 20 ans, Jean Genet est caporal dans l'armée de terre. Plus tard, soucieux de sa légende, il fera croire qu'il n'a été militaire que quelques jours. Faux. Son engagement représente presque sept ans de sa vie, de 18 à 25 ans. Il voyage (Syrie, Maroc) mais surtout il lit, il acquiert la formidable culture qui permettra son oeuvre dix ans après. Sans éducation depuis des années, il a beaucoup de retard à rattraper. En effet, abandonné à six mois, Jean est un enfant de l'Assistance publique, placé dans une famille d'accueil dans le Morvan. Il aime apprendre et est reçu premier au certificat d'études. L'Assistance publique n'envisage pourtant pas de faire de lui autre chose qu'un ouvrier. A 13 ans, elle lui propose d'apprendre à fabriquer des livres ; lui voulait déjà en écrire. Jean commet sa première fugue. Il disparaît deux mois. On soupçonne une affaire de moeurs, avec un homme. Un député s'en mêle. A son retour, il est placé chez un chanteur, il le vole. On le place en internement psychiatrique, il s'échappe. Il est envoyé trois mois en prison. On l'envoie dans une verrerie, il quitte la ville. Cette fois la justice ordonne son maintien en liberté surveillée dans la maison de redressement de Mettray. Il en fera le paradis perdu de sa jeunesse. Faux encore. La vérité est qu'il cherche par tous les moyens à s'en échapper. Pour cela il s'engage dans l'armée. Il quittait une prison pour une autre. Son désir de liberté absolue ne pouvait souffrir que la désertion comme échappatoire, c'est chose faite à 25 ans ; il n'est plus de retour possible.
La correspondance d'Émile Goué (1904-1946), constituée très majoritairement de lettres qu'il écrivit à son épouse durant sa captivité à l'Oflag XB, est d'un intérêt triple : elle permet de pénétrer la vie du compositeur et de découvrir un homme profondément attaché à la musique, à sa famille et à son métier d'enseignant ; elle offre une description de ses activités artistiques et du monde musical de son époque troublée ; elle est enfin un témoignage remarquable sur la vie dans les camps de prisonniers de guerre durant la Deuxième Guerre mondiale.
Parce que certains voyages font reculer les obstacles, Estelle et Simon partent en Polynésie, avec l'espoir d'y adopter un bébé. C'est sur l'atoll de Rangiroa, en plein Pacifique sud, que les conduit leur quête incertaine. Aux deux visiteurs, l'aventure dévoile un surprenant archipel de femmes. Un relais de contacts tissés avec la conviction que recevoir un enfant rapproche des existences que tout séparait au départ. Un parcours initiatique où apparaissent au grand jour des doutes et des peurs, mais aussi des aspirations cachées, mises à nu par les épreuves et les rencontres.
Mémoires de soldat est avant tout le récit d'une errance subie à l'occasion d'événements exceptionnels, la débâcle de juin 1940, la capitulation et les camps de jeunesse. Michel Girard, tout juste vingt ans et très actif au sein du mouvement des Auberges de Jeunesse à Pontarlier, est appelé sous les drapeaux le 8 juin 1940. L'entrée en guerre de l'Italie et l'avancée des troupes allemandes le poussent jusqu'à Sète, puis jusqu'en Charente. Il partage avec des milliers d'autres soldats en déroute la vie des camps de prisonniers de Saintes, puis de Surgères, de La Jarne, avant de gagner les camps de jeunesse en Haute-Vienne et dans le Jura.
Un début de troisième millénaire brossé par un citoyen français né à la fin de la première moitié du XXe siècle. Pas question pour autant de se laisser prendre au piège de la nostalgie du passé pour traiter les conséquences des dérives d'un système politico-économique accouchant d'une société formatée.Désabusé, rebelle, l'auteur aborde le tragique déclin d'une civilisation pourtant héritière de valeurs fondamentales d'humanisme et de solidarité. Il dresse le bilan du laminage social, des blessures causées à la culture et à la nature par la dictature algorithmique et le marché mondialisé.Les cicatrices laissées par les espoirs perdus nourrissent aussi cette plongée vertigineuse jusqu'aux causes profondes de l'abstention et de la montée du populisme. Constat et jugement sont sans tiédeur, indulgence ni soumission. C'est le cri impertinent d'une colère légitime.
C'était la Nouvelle-Calédonie est le témoignage de deux années et demie passées dans ce pays des Antipodes de mars 1952 à août 1954 -. Une fois le baccalauréat passé, Cassilde Tournebize enseigna pendant près de deux ans à l'école primaire de Païta, gros bourg situé à trente kilomètres de Nouméa, sur la côte Ouest. Elle apprit à connaître ce pays si attachant et ses habitants accueillants et généreux. La Nouvelle-Calédonie, à l'époque, était encore un pays neuf, d'une beauté sauvage, une sorte de Far-West où les relations humaines comptaient. Elle eut l'occasion de faire le tour de l'île et de découvrir la vie menée par les colons de l'intérieur et celle des grands propriétaires terriens sur leur ferme d'élevage ou stockfarm. Au bout de deux ans et demi de séjour, elle partit pour la France afin de poursuivre ses études et c'est le coeur gros qu'elle quitta cette île à laquelle elle s'était attachée.
À Meknès, ville impériale ismaélienne du Maroc, le quotidien des femmes juives, rythmé par les gestes immuables et séculaires, ne manque effectivement pas de sel dans ce Vieux Mellah (« salé » en arabe), troisième grand quartier de la cité géographiquement conçue pour une coexistence respectueuse entre les trois communautés : musulmane, juive et chrétienne. En ce début de vingtième siècle, derrière d'épaisses murailles, à l'ombre des célèbres portes, ou sur une des trois collines du plateau, chacun vaque à ses occupations, tout en redoutant des bouleversements qui rompraient à nouveau la fragile harmonie de la cité. C'est pourtant la période charnière à partir de laquelle ces femmes voient s'ouvrir des horizons d'intégration, grâce à l'Alliance israélite, au Protectorat. Comment en trois générations, ces Sépharades héritières d'une culture bimillénaire, vont-elles traverser les cinquante années qui mènent de l'illettrisme, mais non de l'ignorance, aux universités françaises ? Leur communauté et leurs valeurs résisteront-elles aux secousses de l'Histoire en pays arabe et aux bouleversements qui se produiront en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ?
"Ces pages contiennent des moments que j'ai vécus, des histoires que l'on m'a racontées, des souvenirs revisités. L'histoire de Malika n'est pas mon histoire : c'est une trajectoire migratoire comme il y en a eu des milliers, une manière d'être faite de rêves de liberté, de courage, d'audace, de résilience et de volonté d'émancipation." (Laïla Amir)