Graphiste est un mot épicène.
Épicène : adj. dont la forme ne varie pas selon le genre.
Épicène comme le prénom Cassandre, le nom de scène que se choisira un des fondateurs du design graphique.
Variations épicènes se concentre sur les processus d'émergence des projets, sur la pratique de graphistes autrices, à l'oeuvre.
Dans des temps troublés et troublants, il est d'autant plus précieux d'affirmer le design graphique comme un « acte culturel à part entière ». À part entière, sans le couper de sa réalité contextuelle, collaborative et de son rôle de « porteur public de message ».
Sans une tenue graphique, nos sommes de connaissances, nos flux de données, nos récits, nos institutions culturelles, publiques, nos systèmes d'orientations s'étiolent, liquident à un système marketé les idées de partage, de transmission, d'émancipation. Les graphistes donnent, ils ont donné une dimension singulière, souvent symbolique, parfois universelle, à tant de nos objets, culturels ou du quotidien. Leurs conceptions consolident tout matériau lisible et visible.
Le design graphique est un maillon relieur dans un ensemble culturel, sociétal et technique de plus en plus complexifié. Il est si peu (visible, appréhendé, rémunéré) et pourtant, il est décisif. Il est un acte conscient, non d'une quelconque souveraineté (héroïque), mais de la nécessité d'une pratique réflexive.
Les graphistes français.es luttent pour que leurs actes culturels ne soient pas bradés, éclipsés voire des lettres mortes. Le graphiste Cassandre est devenu, dès les années 1930, un symbole de cet engagement. Chaque génération reprend à sa manière ces revendications pour que le graphisme contribue à transmettre, penser, structurer, traduire, commenter, parfois résister et transgresser. Derrière ces actes culturels, dont souvent on ne mesure pas la force, il y a des actrices, fortement impliquées. Ici, en France, depuis des décennies.
Variations épicènes est une tentative de réponse à une commande claire de la MABA : une exposition collective de graphistes femmes. Cette publication documente cette exposition
La Fondation des Artistes présente le catalogue de l'exposition « Une Journée avec Marie Vassilieff » à la MABA en partenariat avec la Villa Vassilieff.
Autour d'un texte écrit par l'auteure Émilie Noteris, dérive spéculative entremêlant faits historiques, anecdotes, photographie et fiction se dessine un hommage à Marie Vassilieff, artiste moderne, femme, apatride, qui déploie par ses recherches, sa démarche artistique et sa vie des attitudes résolument contemporaines. Les questions liées au genre comme le positionnement artistique de l'artiste (variété des média, confusion de l'art et de la vie, transferts géographiques et nationaux) nourrissent des dialogues entre les productions d'artistes contemporains (Mercedes Azpilicueta, Carlotta Bailly-Borg, Yto Barrada, Michel François, Christian Hidaka, Laura Lamiel, Mohamed Larbi Rahhali, Anne Le Troter, Flora Moscovici, Émilie Notéris, Liv Schulman, Thu-Van Tran) et celles de Marie Vassilieff appelant une approche transversale de la vie et de l'oeuvre d'une artiste trop souvent oubliée de nos livres d'histoire.
La Fondation des Artistes présente le catalogue de l'exposition « La Vérité n'est pas la vérité » dans le cadre de la saison graphique programmée par la MABA à Nogent-sur-Marne.
La phrase de Rudy Giuliani en soutien à Donald Trump « La vérité n'est pas la vérité » évoque d'autres sombres époques où la vérité, elle non plus, n'était pas la vérité. Lorsqu'il s'agissait d'éradiquer les sorciers - mais plus particulièrement les sorcières - des femmes qui dérangeaient et qui faisaient toujours dans les procès en sorcellerie l'objet de plaidoiries à charge. Les sorcières n'ont été rien d'autre que cela : des femmes qui dérangeaient et dérogeaient à un certain ordre social. Exutoire à certaines situations de tensions sociales, il fallait trouver un bouc émissaire et la femme libre car célibataire, veuve, homosexuelle, connaissant empiriquement les plantes et la nature, était une victime toute désignée.
La vérité n'est pas la vérité, mais parfois aussi la vérité qui est la vérité dérange, celle des mouvements #metoo ou #balancetonporc. La parole des femmes se libère et dérange encore. Et la vérité qui n'est pas la vérité pourrait devenir une nouvelle vérité, et c'est maintenant qu'il faut être particulièrement vigilant·e·s et que nous nous devons d'invoquer à nouveau le concours des sorcières.
L'exposition rassemble les artistes Meris Angioletti, Nina Canell, Ilanit Illouz, Jonathan Martin, Marijke De Roover, Gaia Vincensini et raconte différentes histoires de sorcières. Des sorcières qui photographient des territoires qui s'assèchent et se délitent petit à petit à cause de luttes géopolitiques, des histoires de sorcières qui se réunissent et créent des sonorités particulières, d'autres sorcières encore qui explorent la maternité et la famille nucléaire... Des sorcières, il y en a toujours eu, ce sont toutes ces femmes qui luttent, qui parlent, chantent, ou crient pour dire la vérité sur des situations écologiques ou économiques critiques, qui font circuler les énergies et transforment des éléments et pourquoi pas peuvent peut-être amener à (é)changer des points de vue...
Le Serpent Noir, projet inédit de Cécile Hartmann, se déploie autour de la métaphore du serpent noir : le pipeline géant Keystone qui transporte quotidiennement plus de 700 000 barils de résidus impurs, depuis les exploitations à ciel ouvert de l'Alberta, en passant par les réserves indiennes, souillant les terres et les réserves d'eau et engendrant des dégâts écologiques sans précédent. Ce pipeline, soutenu sous l'ère Trump, vient de voir la construction des derniers tronçons stoppée aux premiers jours de l'arrivée de Biden à la présidence des USA faisant souffler un vent d'espoir nouveau.
Le film, Le Serpent Noir (2019-2021), suit le flux invisible du pipeline et constitue le coeur du projet, depuis lequel se déploient en rhizome photographies, élément sculptural, wall-painting et sérigraphies.
Quatre ans après les luttes de Standing Rock et Sacred Stones, Cécile Hartmann partage l'archive de ce » temps d'après » dans cet épisode de l'histoire contemporaine où les luttes ont déjà laissé la place aux premières altérations du paysage et des formes de vie.
L'artiste en délivre un récit, sans figure humaine, où l'image documentaire se mêle à l'image mentale, enchevêtrement de temporalités et d'espaces dans une plongée au coeur des ténèbres. Les ténèbres, perçues pour leur potentialités créatrices comme destructrices, sont celles dans lesquelles le monde était plongé » au commencement lorsqu'il n'y avait ni lune ni étoile » ; elles sont ici le lieu des spectres, du surgissement et de la disparition. Elle deviennent également le contrepoint à la vision idéalisée des Lumières et de la Modernité (Christophe Colomb n'a jamais découvert l'Amérique) et à l'impasse écologique qui en résulte ( l'appropriation et l'épuisement des ressources naturelles).
Le travail de Cécile Hartmann porte toujours la trace d'événements latents, souterrains, qui transparaissent ou (ré)apparaissent à la surface des oeuvres présentées. Le film Le Serpent Noir et ses ramifications se tiennent, eux aussi, sur ces fragiles interstices entre visibilité et invisibilité, dicible et indicible,
réalité et fiction, organique et inorganique, force et instabilité.
La mémoire - comme l'actualité - de la violence exercée autant envers la nature qu'envers la communauté amérindienne, affleure ainsi régulièrement dans les oeuvres de l'exposition, au travers d'un plan du film, d'un élément textuel, d'une musique... Ils sont les indices, les surgissements de ces événements.
Dès lors, l'énumération des noms des lieux traversés agit également comme projection fantasmatique de paysages naturels, de territoires appartenant aux « maisons » indiennes ou de batailles tristement célèbres. Le texte fait ici image, de la même manière que les notions mises en relation - dans ce qui emprunte la radicalité de sa forme à l'affiche militante - engagent le spectateur à penser les entrechoquements entre économie,
politique, histoire et écologie.
Abaissant sans cesse son regard pour l'amener au plus près du sol, de l'argile « primitive », l'artiste s'intéresse à ces différentes strates, couches de temps et de mémoires accumulées. Sa vision passe ainsi constamment de l'échelle du global à l'échelle du fragment, d'une vision panoramique du paysage à une vision en plongée au coeur de la terre, dans un mouvement introspectif de l'ordre du psychanalytique.
Traçant des lignes entre romantisme, minimalisme et activisme, Le Serpent Noir se veut autant archéologie du présent dévasté et dévastateur que vision prophétique d'un avenir où le chaos et la destruction pourraient devenir forces de régénération si, toutefois, un nouveau cycle venait à s'amorcer.