' Les souvenirs ici réunis ne s'apparentent pas à des Mémoires, au sens classique du terme, mais relèvent de ce que l'on appelait autrefois un roman d'apprentissage. Je me suis spontanément concentré sur les traits singuliers de mes jeunes années : la guerre de neuf à treize ans pour un enfant juif ; une famille faite d'individualités fortes ; une impossibilité à me plier aux normes universitaires sans pouvoir cependant m'en détacher ; une initiation amoureuse des moins banales ; une ouverture à plusieurs types de vie qui n'a pas été offerte à tous. Une jeunesse qui m'a fait ce que je suis. '
P. N.
"Cinquante-sept ans chez Gallimard et trente-cinq ans d'enseignement et de recherche, plus de mille livres édités, sept volumes des Lieux de mémoire, quarante ans à la tête du Débat, en faut-il davantage pour justifier mon titre ?
Je me suis souvent défini comme marginal central. Marginal, parce que je n'ai pas été un universitaire classique, ni un éditeur professionnel, ni un historien typique, ni un écrivain authentique. Encore qu'un peu tout cela.
Central cependant, parce que beaucoup des auteurs, beaucoup des idées d'une des époques les plus effervescentes et créatrices de la France contemporaine sont passés par mon petit bureau du premier étage de la rue Sébastien-Bottin, devenue Gaston-Gallimard.
C'est ce vu et vécu dont, avant de disparaître, j'ai voulu laisser la trace. Les auteurs, les idées, l'époque. En mémorialiste et en historien."
P. N.
Cet essai a paru en mars 1961, au moment le plus dramatique et incertain de la guerre d'Algérie : au lendemain du référendum sur l'autodétermination, qui ouvrait la voie à une négociation sur l'indépendance, et à la veille de l'insurrection du « quarteron de généraux » décidé à tout pour conserver l'Algérie française. Retour d'Algérie, où j'avais été professeur à Oran, j'avais écrit à la hâte ce petit livre, qui analysait en historien et en citoyen engagé la responsabilité des pieds-noirs dans cet engrenage tragique. Ma sévérité de jugement à l'égard d'Albert Camus et de Germaine Tillion, icônes du progressisme libéral, fit en particulier scandale.
Une réaction inattendue me vint de Jacques Derrida, dont j'avais été le condisciple en khâgne et qui était resté un ami. Dans une lettre d'une cinquantaine de pages, celui-ci prenait appui sur mon livre pour se mettre à jour, pour l'unique fois de sa vie, avec son Algérie natale. Le cinquantenaire de l'indépendance était l'occasion d'en proposer une nouvelle édition. Augmentée d'une préface, de cet important inédit et d'un dossier critique, celle-ci contribuera, je l'espère, à éclairer ce moment douloureux qui reste parmi les plus importants de l'histoire contemporaine de la France.
Pierre Nora
'Après Historien public, qui se voulait un portrait d'époque à travers les engagements d'un itinéraire individuel, après Présent, nation, mémoire, qui tentait de dégager par ces mots les pôles de la conscience historique contemporaine, ce troisième volet de mon entreprise réunit les principaux essais que j'ai consacrés à la France, son identité et sa mémoire.
L'organisation de ce rassemblement fait apparaître une image fortement unitaire : celle de l'État-nation dans son âge accompli. Celui-ci s'enracine chronologiquement de la Révolution de 1789 aux retombées du gaullisme et du communisme, ces deux versions ultimes de la France qui ont mélangé, à doses variables, l'idée nationale et l'idée révolutionnaire.
Car ce sont en définitive les entrelacs de la nation, de la République et de la Révolution qui forment le sujet de ce livre : de la nation universelle à la nation communautaire, de la République de combat à la République patrimoine, de la Révolution conquérante à l'épuisement du projet révolutionnaire.
L'ensemble ne constitue pas une histoire personnelle de la France, mais une manière personnelle d'écrire cette histoire : une histoire éclatée où l'analyse approfondie de chaque éclat dit cependant quelque chose de la singularité mystérieuse du tout.'
Pierre Nora.
"Après avoir édité quelque sept cents livres, je me suis résolu à m'éditer moi-même.
Cet ouvrage-ci mêle autobiographie intellectuelle et portrait d'époque à travers les interventions, polémiques et prises de position que j'ai été amené à provoquer ou à soutenir depuis cinquante ans.
C'est au croisement de mon activité d'éditeur d'une intelligentsia encore au sommet de son rayonnement mondial et d'historien de la France contemporaine et de sa mémoire nationale que je me suis retrouvé historien public.
Depuis Archives, cette collection de poche qui mettait les bibliothèques dans la rue et les archives dans la poche, jusqu'à Liberté pour l'histoire, qui défend l'indépendance du travail de l'esprit, en passant par la revue Le Débat et Les Lieux de mémoire, qui réconcilient l'histoire de pointe avec la mémoire collective, une même volonté se dégage de tant d'engagements sans rapport apparent : mettre l'histoire au coeur de la culture et de l'identité françaises."
Pierre Nora.
Ce texte est un débat entre deux historiens du 20e siècle qui interrogent les croisements et les décroisements des mémoires liées à l'immigration et à la colonisation. Une thématique qui ne cesse d'être d'actualité. En évaluant l'impact de l'approche postcoloniale sur les questions migratoires, il s'agit de questionner la place de la mémoire de la colonisation, et de la guerre d'Algérie en particulier, dans l'histoire générale de l'immigration en France.
En quoi ces mémoires traduisent elles les fractures et les impensés de la société française ? Une rencontre entre le penseur des "Lieux de mémoire" et l'historien spécialiste de la mémoire liée à la guerre d'Algérie.
Pierre Nora, historien, membre de l'Académie française
Benjamin Stora, historien. Auteur récemment chez Bayard de Retours d'histoire
Directeur de la revue Le Débat et de la prestigieuse collection Bibliothèque des Histoires" chez Gallimard, maître d'oeuvre des "Lieux de mémoire", Pierre Nora est l'un des grands noms de la recherche historique contemporaine. Figure marquante de la "Nouvelle Histoire", il témoigne d'un fort intérêt pour la problématique mémorielle. Mais comment en vient-on à cette démarche intellectuelle ? Voici ici, esquissé pour la première fois, son propre essai d'ego-histoire, articulé principalement autour de sa double identité, à la fois juive et française. Antoine Arjakovsky, directeur de recherche aux Bernardins, qui l'accueillit le 3 mai 2012 au Collège des Bernardins, haut lieu symbolique de la rencontre sapientielle entre la foi et la raison, retrace les grandes étapes du parcours intellectuel de Pierre Nora. Il introduit également, en l'interrogeant, le second texte de l'académicien qui porte sur le rapport de l'historien au pouvoir et à la justice.".
"Alain Decaux, l'homme en qui s'incarnait l'histoire pour la majorité des Français, notre 'instituteur national' de l'âge cathodique.
C'est ce qui m'avait poussé, il y a trente ans, à me tourner vers lui pour lui demander de se raconter lui-même et de livrer à travers ce témoignage les secrets de l'histoire médiatique. À l'heure même où les historiens de la 'nouvelle histoire', tel Georges Duby avec Le Temps des cathédrales, se tournaient vers la télévision.
La mort récente d'Alain Decaux a été l'occasion d'exhumer cet échange paru dans Le Débat en mai 1984. Il m'a paru redonner vie à un genre, à une époque, à un homme dont tant de Français ont le souvenir, et la nostalgie.
D'où l'idée de le leur remettre sous les yeux."
Pierre Nora.
Le président Auriol avait, tous les jours de son septennat, accumulé des notes avec l'intention d'écrire des Mémoires qui auraient conservé la forme d'un Journal. Ces notes comprennent le compte rendu de la plupart des conversations importantes qui se sont déroulées dans son bureau, des brouillons griffonnés en conseil de ministres, des commentaires de télégrammes diplomatiques et des réflexions sur la situation politique. En tout, plus de 10 000 feuillets d'un texte mal établi. Après la mort du président, Mme Auriol a confié à Pierre Nora, qui s'est adjoint la collaboration de Jacques Ozouf, le soin de publier cette masse documentaire d'une originalité sans précédent. Il a été décidé de réaliser deux éditions de caractère très différent. D'une part, une édition intégrale et critique en sept volumes, avec l'aide du C.N.R.S. et de la Fondation nationale des Sciences Politiques, sous le titre : Journal du septennat ; de l'autre, un condensé qui, sans trahir l'esprit de l'ensemble, rappellerait au plus large public possible l'action du président et rendrait justice à ses intentions et à sa mémoire. Et, tandis que, paraissant en même temps, le premier volume, l'année 1947, établi par Pierre Nora, inaugure l'édition savante et monumentale, ces Notes de Journal rassemblent ici dès aujourd'hui, éclairées des commentaires indispensables, l'essentiel des entretiens qui eurent lieu à l'Élysée, du départ des communistes à la mort de Staline, de l'investiture manquée de Léon Blum à celle de Mendès France, du début de la guerre d'Indochine à la veille de Diên Biên Phu : un document d'un exceptionnel intérêt politique et historique, unique dans les annales de la République.
Le numéro de février de Relations se penche sur la délicate question du vivre-ensemble. Depuis le début de la commission Bouchard-Taylor il y a dix ans, le débat sur l'identité, la laïcité et le vivre-ensemble s'enlise au Québec. Identitaires et « diversitaires » s'opposent dans des débats souvent stériles où les positions des uns et des autres se durcissent, parfois jusqu'à l'extrême. Comment sortir de cette « guerre culturelle » qui met trop souvent en échec l'action commune, notamment au sein de la gauche et du mouvement des femmes ? Quelles voies emprunter pour penser l'identité dans son caractère mouvant, en constante évolution, sans pour autant sacrifier l'agir collectif aux forces impersonnelles du marché ? La religion, les arts et la littérature ont-ils un rôle à jouer dans ce contexte, pour tisser des liens, créer des ponts ? Les collaborateurs et collaboratrices de ce numéro vous invitent à réfléchir avec eux.