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Monique Schneider
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Devenu arpenteur du territoire stratifié de la mémoire, Freud fait l'expérience d'un
séisme : les scènes attachées aux réminiscences quittent leur ancrage dans le passé pour exiger une rétribution amoureuse immédiate. Une créature hybride, " Lucifer-Amor ", dont le rôle est dit " indésirablement grand ", s'est donc invitée d'elle-même dans la scène analytique.
Une défense s'organise contre cet " enfer intellectuel ", dans lequel Freud, côtoyant la pensée de Spinoza, croit voir le fruit d'une " fausse liaison ". L'amour serait l'œuvre d'une causalité sauvage posant l'autre comme cause d'une métamorphose de soi. " L'amour n'est rien d'autre que... " : telle est l'opération de " rabaissement " par laquelle Freud, empruntant la formule à Spinoza, introduit la définition de l'amour.
En dépit des risques d'aliénation qui guettent la dépendance amoureuse, Freud n'en décide pas moins de se faire avocat de la cause qu'il attaque : " on doit se mettre à aimer pour ne pas tomber malade ".
La formule freudienne fait écho à une thématique racinienne. " Elle veut voir le jour ", dit Œnone de Phèdre. C'est sur fond d'interdit de naître que s'imposera l'urgence amoureuse, ouverte aussi bien sur le risque sacrificiel que sur l'impératif émanant de diverses sources: " Vivez. "
De formation philosophique, Monique Schneider, en tant que directeur de recherche émérite au CNRS et psychanalyste, assure un séminaire à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Centrant son investigation sur les origines de la psychanalyse et les héritages sur lesquels elle s'étaie, elle est notamment l'auteur de Généalogie du masculin (Aubier, 2000), Le Paradigme féminin (Aubier, 2004).
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La détresse, aux sources de l'éthique
Monique Schneider
- Seuil
- Sciences humaines H.C.
- 1 Septembre 2011
- 9782021049343
4e Monique Schneider
" Si tu savais comme j'ai mal... " Curieusement, dans cet appel que Freud place en rêve dans la bouche d'une patiente, la mise en demeure porte moins sur le remède apporté à la souffrance que sur le " savoir " dont elle doit faire l'objet. Le travail du rêve vient légitimer cette exigence, l'approche d'une souffrance chez l'autre pouvant entraîner une stratégie d'esquive ou de reniement : " Ce n'est pas moi qui souffre " – formule qui, à la manière d'un anti-cogito, hante L'Interprétation du rêve. Une telle absence d'écho – induisant, dans les coulisses, une fête de la cruauté – pourra contraindre l'ébauche de souffrance à se convertir en anesthésie larvée, en l'équivalent d'un non-lieu.
L'Esquisse, occupant une place clandestine dans l'œuvre freudienne – joint à une lettre à Fliess mais non publié du vivant de Freud –, fait résonner l'écho manquant. Un être situé " à côté ", un Nebenmensch qui ne réapparaîtra plus sur la scène d'écriture, est supposé capable d'être " attentif " à la manifestation originaire de détresse. Et c'est son attention qui, conférant à la détresse une valeur d'appel, deviendra fondatrice du champ éthique.
Cette approche sera mise en regard avec ce que livre Emmanuel Lévinas, pour qui l'exigence éthique n'intervient pas comme une norme venant régir quelque expérience, mais comme sa condition.
Monique Schneider, psychanalyste, est notamment l'auteur de Don Juan et le Procès de la séduction (Aubier, 1994), Le Paradigme féminin (Flammarion 2006), Généalogie du masculin (Flammarion 2006) et La Cause amoureuse. Freud, Spinoza, Racine (Seuil, 2008).
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Le désir : l'objet qui nous fait vivre
Paul-Laurent Assoun, Gérard Bonnet, Denise Bouchet-kervella, Marjolaine Hatzfeld, Monique Schneider
- Éditions In Press
- 11 Mai 2022
- 9782848357904
Et si le désir était le moteur qui nous anime et qui donne sens à notre vie ?
Pourquoi le désir est-il un véritable moteur d'action pour chacun de nous ? Comment agit-il ? Et que signifie-t-il ? Comment le clinicien peut-il faire émerger les désirs et lever les inhibitions ? Cinq psychanalystes répondent.
Les désirs au quotidien, le désir « projet », l'idéal vecteur de désir, le désir sexuel, le désir et la frustration... autant de facettes abordées dans ce livre.
On confond souvent le désir avec les envies, les caprices, la volonté de puissance, le sexe... Si ces notions contiennent leur part de vérité, elles ne suffisent pas à le définir. Et si le désir était avant tout le moteur qui anime le sujet et le conduit à s'investir dans l'existence à ses risques et périls. -
Études françaises. Volume 31, numéro 3, hiver 1995-1996
Ginette Michaud, Monique Schneider, Régine Robin, Sherry Simon, Nathalie Fredette, Patrice Bougon, Jean-Mi Rabate
- Les Presses de l'Université de Montréal
- 4 Juin 2022
- 9782760646872
Au moment où les frontières géopolitiques du monde tel que nous l'avions connu sont en train de se redéfinir, plus que jamais les seules vraies patries apparaissent, selon le mot de l'écrivain Salman Rushdie, résolument imaginaires. La catégorie du national, la notion de communauté imaginaire, les fictions de l'identitaire et autres épreuves de l'étranger se sont récemment imposées à notre réflexion critique. Croisant plusieurs approches (psychanalyse, philosophie, analyse du discours social, etc.), les collaborateurs de ce numéro interrogent le politique à l'oeuvre dans l'oeuvre, au moment de sa transformation. Comment l'écrivain se lie-t-il à ce sujet de la Nation, jusqu'à en faire sa chose ou à s'en faire le jouet, mauvais objet qui lui colle à la peau, qui parasite sa pensée et sa langue, qui affecte d'un trouble jusqu'à sa faculté d'expression ? Selon quelles figures, quelles images, quelles stratégies narratives ? Voilà quelques-unes des questions qui nous ont retenus ici.