Dans le contexte trouble que nous traversons, le philosophe se propose dans Dieu, La mémoire, la technoscience et le mal de récapituler la conception métaphysique de Dieu, et d'en proposer une définition « nouvelle » sur cette base même : définition du reste latente tout au long de la réflexion du vingtième siècle, de Bergson et Teilhard de Chardin à Heidegger et Derrida, et pourtant jamais énoncée comme telle. Par l'un des philosophes les plus brillants de sa génération, ancien disciple d'Alain Badiou.
Être et sexuation avance l'une des thèses les plus audacieuses quant à la question sexuelle depuis Freud. Elle formule que la distinction du désir et de la jouissance n'aura jamais valu que pour la position masculine. Pour la femme, ils seraient rigoureusement la même chose. Cette thèse jette une lumière crue sur ce que la pensée de tous âges, jusqu'à la psychanalyse comprise (de l'aveu de Freud comme de Lacan), a rejeté de la libido féminine comme « continent noir », irrationnelle et abyssale.
On constate aussi bien que les ontologies qu'on aura prédiquées de « féminines », de Schelling à Malabou en passant par Deleuze, tendent à l'indistinction plus ou moins explicite de l'être et de l'événement, qui recoupe l'identité désir = jouissance à l'origine de la position « femme». Ontologies tournées du côté de la Nature, du Chaos, du devenir et de l'immanence. Inversement, les ontologies « viriles », de Hegel à Badiou, sont elles de l'Ordre rationnel et du transcendantal, du « fixisme » formel et de la discontinuité.
Est-il dès lors possible d'ouvrir un lieu de pensée qui se situe, sans le moindre « hermaphrodisme métaphysique », à l'intersection des deux positions sexuées ? Qui en déduise une nouvelle pensée de l'origine ? C'est-à-dire une genèse inédite des événements, en ce qu'ils ont à faire avec la capacité proprement humaine à s'approprier l'être,de la mathématique à la musique, de la politique à - bien sûr - l'amour lui-même ? Ce sont les bases d'une telle « ouverture » que questionne ce livre.
L'esprit du nihilisme: titre doublement paradoxal, puisque ce livre entreprend parallèlement, et souvent en même temps, de déconstruire le (pseudo-)concept nietzschéo-heideggerien de « nihilisme » et de décrire ce que, par provocation provisionnelle nous appellerons « nihilisme démocratique ».
C'est graduellement, par la description phénoménologique de la spiritualité exprimée dans la voix moyenne de toute une époque, que se rouvre alors la voie qui a traversé toute la modernité pensante depuis deux siècles : la « redécouverte » de la Tragédie par l'homme sans dieu(x). S'y établit le « secret » découvert à tâtons par cette modernité, sans avoir jamais été énoncé comme tel : renversant la tradition métaphysico-politique de l'Occident, on démontre que ce n'est pas la Loi qui est la condition de la Transgression, mais le contraire. C'est la Transgression qui est la condition de possibilité de toute législation : non seulement « morale », politique et civique, mais technique et culturelle.
L'enjeu est considérable : si la philosophie, pour la toute première fois de sa tradition, parvenait à renverser le rapport qu'elle a toujours posé entre législation et transgression, démontrant que celle-ci est la condition de possibilité de celle-là et pas l'inverse ; bouleversant au passage le sens même qu'on a toujours accordé au concept de « Transgression », alors la philosophie destituerait enfin la région de pensée qui, avec l'irrationalisme qui lui est propre, et qu'on a plus que jamais raison de qualifier d'« obscurantisme », a toujours « pensé » la précession de la transgression sur la législation : nommément la religion (le « péché originel »). Cette destitution non seulement court-circuiterait le pouvoir du religieux, mais restituerait ce pouvoir, et la tâche d'en penser les conséquences, à cela dont le retrait, depuis trente ans, est le vrai nom du « nihilisme » et du « retour du religieux » : la politique.
"Mehdi Belhaj Kacem a été proche d'Alain Badiou. Il est de ceux qui connaissent le mieux, et de l'intérieur, la mécanique et les ruses de son oeuvre. Badiou l'a même tenu pour l'un de ses disciples les plus prometteurs. Et voilà que le disciple en est venu, par un cheminement dont il rend compte, ici, avec probité, à considérer que l'oeuvre du maître contenait d'impardonnables impostures.
Après Badiou est un livre joyeux et cruel. Plein d'humour et de savoir. C'est un démontage biographique (toute philosophie n'est-elle pas, selon le mot célèbre, une biographie mise en concepts ?) non moins que métaphysique (sur la question de l'Evénement, sur celle de l'Universel, sur l'énigme du Mal et de l'insistante surdité de "la" philosophie à son interpellation, Belhaj Kacem avance ses propres thèses qui s'opposent point sur point à celles de Badiou).
Comment un philosophe en vient-il, de l'apologie de Pol Pot, au déni de l'existence même du problème écologique ? D'où procède son mépris de la démocratie ? Pourquoi son platonisme ne peut-il, pris à la lettre, que rendre sourd et aveugle au surgissement de l'événement, le vrai, tel celui qui importait, à l'heure où ce livre s'achevait, la dictature en Tunisie puis dans une large partie du monde arabe ? Telles sont quelques-unes des questions qui hantent ce livre sincère et limpide, plein de colère et de révolte - et brûlant d'une belle passion pour la vérité.
De la terreur en philosophie, et comment s'en libérer. La première déconstruction d'un système dont on se dit, lecture faite, qu'il ne tenait peut-être que par l'intimidation qu'il diffusait."B.-H. L.
Sous la forme d'un abécédaire, La Transgression et l'Inexistant propose une trentaine de concepts dont l'intrication organique expose le système mis en place par Mehdi Belhaj Kacem depuis une dizaine d'années et développé depuis L'esprit du nihilisme. Une structure qui se prête idéalement au format numérique.
Un cinéphile découvre, sur le tard, l'opéra, sous la seule forme de DVD. Il savait que le cinéma s'est toujours défini par opposition au théâtre ; il découvre que, syntaxe musicale oblige, le cinéma est une gigantesque répétition des procédés de l'opéra. Pendant trois ans, il n'interroge plus son rapport à la seconde vie de l'opéra, le cinéma, qu'à travers le visionnage de plusieurs versions des mêmes opéras, chroniqués pour des magazines réels ou imaginaires. Le présent livre est un florilège de ces chroniques.
Mehdi Belhaj Kacem, né en 1973, s'est d'abord fait connaître pour ses oeuvres de fiction (il publie Cancer, son premier roman, en 1994), avant de s'imposer comme l'un des philosophes actuels les plus féconds. On lui doit notamment L'Antéforme (1997), L'Essence n de l'amour (2001) ou, dernièrement, L'Esprit du nihilisme (2009), Après Badiou et La Conjuration des Tartuffes (2011). Cinéphile actif, il a également été acteur pour Laetitia Masson (En avoir ou pas, 1995) et Philippe Garrel (Sauvage innocence, 2001).
La Conjuration des Tartuffes tire un bilan des violentes polémiques qui ont entouré la parution du précédent livre de Mehdi Belhaj Kacem, Après Badiou. Il démonte la manière qu'auront eue ses détracteurs de contourner le nerf de la polémique : moralisme, psychologisme, voire psychiatrisation de l'auteur, le tout dégraissé de la moindre calorie philosophique, alors même que ses propres attaques épousaient point par point la philosophie d'Alain Badiou.
Mehdi Belhaj Kacem dresse le bréviaire des monstres qui restent à terrasser : agonistique « communiste » autiste, en l'absence du moindre début de philosophie du communisme ; « machisme transcendantal » doctement ignoré par les dévots ; archaïsmes ridicules de patriarche ; universalisme inconsistant, appuyé sur un positivisme épistémologique délirant ; éthique aussi abstraite dans sa formulation qu'ignominieuse dans ses intentions ; etc.
Mehdi Belhaj Kacem est romancier, philosophe, acteur. Il est reconnu comme l'un des intellectuels les plus brillants de la jeune génération.
Mehdi Belhaj Kacem et Tristan Garcia ont en commun d'être deux figures majeures de la scène philosophique française et de poursuivre, chacun à leur manière, l'écriture d'une oeuvre littéraire.
« Algèbre de la Tragédie », le dernier chapitre de L'Esprit du nihilisme, est le point de départ choisi par Tristan Garcia pour son intervention lors du colloque organisé, en 2013, autour de l'oeuvre de Mehdi Belhaj Kacem, à l'ENS-Ulm. Dans sa postface, Critique et rémission, il propose la lecture suivante de sa démarche : « L'oeuvre de Mehdi Belhaj Kacem correspond à l'idéal que je me fais d'une pensée critique, au terme du XXe siècle et d'une modernité qui ne veut pas finir. En repartant du début d'Algèbre de la Tragédie, je voudrais éprouver par des concepts mon sentiment de lecteur : qu'est-ce qui m'amène à interpréter le travail de Mehdi Belhaj Kacem comme celui du critique par excellence - de l'homme de la crise ?»